18 octobre 2018

Logements et cannabis : mise à jour importante

C’est le 17 octobre que sont entrées en vigueur les lois canadienne et québécoise qui encadrent désormais la consommation du cannabis à des fins récréatives. Bien que l’on ne sache pas quel en sera l’impact sur le nombre d’usagers et leur fréquence de consommation, plusieurs s’inquiètent des conséquences possibles sur les relations de bon voisinage et la qualité de l’environnement à l’intérieur des ensembles de logements communautaires. Tout comme le tabac, la fumée secondaire et la fumée tertiaire du cannabis sont en effet susceptibles de causer de sérieux désagréments et de troubler la jouissance paisible et normale des autres locataires d’un même bâtiment.

Déjà, un certain nombre d’OSBL d’habitation ont anticipé la situation et adopté des règlements restreignant ou interdisant l’usage du cannabis, lors du renouvellement des baux. D’autres ont sans doute l’intention de se prévaloir de la disposition particulière prévue dans la loi québécoise, qui permet aux locateurs de modifier unilatéralement les baux pour interdire de fumer du cannabis dans les 90 jours qui suivront son entrée en vigueur.

« Règlement ou pas, il faut savoir que les règles du Code civil qui obligent les locateurs à procurer aux locataires la jouissance paisible du bien loué continueront à s’appliquer », tient à rappeler Jacques Beaudoin, secrétaire général du RQOH. De la même manière, les locataires seront encore tenus de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires. « Ainsi, d’ajouter Me Beaudoin, dans le cas où des locataires se plaindraient, à raison, de la consommation de cannabis d’un de leurs voisins, le Code civil donne des outils aux locateurs pour intervenir, incluant la possibilité de demander la résiliation du bail. »

Cela dit, l’option de modifier les baux pour interdire de fumer du cannabis peut certainement être utilisée, notamment pour prévenir d’éventuels conflits. Du point de vue du RQOH, il appartient à chaque organisme de prendre sa propre décision en fonction de sa mission et de ses caractéristiques – à commencer par le type de clientèle qu’il loge. (Pour une revue des éléments à prendre en considération avant de prendre une décision, on peut visionner le webinaire ou consulter la présentation disponible sur notre site Web.)

Ce que permet la période de 90 jours :

La Loi encadrant le cannabis prévoit donc une période de 90 jours, à compter du 17 octobre 2018, pendant laquelle les locateurs pourront modifier unilatéralement leurs baux pour y ajouter une interdiction de fumer du cannabis. Il s’agit là d’une dérogation aux règles générales du Code civil qui encadrent la modification des baux.

  • Cette disposition permet d’ajouter une interdiction de fumer, mais non de consommer du cannabis. On ne peut donc s’en prévaloir pour interdire à un locataire de consommer du cannabis par un autre moyen que par « fumage ».
  • Le règlement ou la clause interdisant de fumer ne doit s’appliquer qu’au cannabis. Le locateur ne peut en profiter pour interdire en même temps de fumer la cigarette ou d’autres produits du tabac. L’organisme qui souhaiterait imposer une telle interdiction devra suivre, en temps et lieu, les modalités prévues au Code civil pour modifier les conditions des baux.
  • La culture de plants de cannabis n’est pas visée par la disposition transitoire. Cela apparaît logique, puisque cette activité sera de toute manière interdite en vertu de la loi québécoise. L’interdiction de fumer qu’il est possible d’imposer dans la période des 90 jours ne peut donc s’étendre à la culture du cannabis.
  • Le règlement ou la clause doit préciser où s’appliquera l’interdiction. On doit y indiquer clairement à quel endroit il sera interdit de fumer du cannabis : à l’intérieur des logements, sur les balcons et/ou le terrain de l’immeuble.

À cet égard, le secrétaire général du RQOH suggère aux organismes de tenir compte du fait que plusieurs municipalités ont adopté des règlements pour interdire la consommation du cannabis dans tout l’espace public et que le nouveau gouvernement caquiste compte modifier la loi pour étendre cette interdiction à l’échelle de la province. « La libéralisation de la consommation du cannabis a été mise en œuvre pour répondre à des objectifs sérieux de santé publique et contribuer à la réduction des méfaits. Or, l’interdiction de toute consommation dans les lieux publics extérieurs poussera les usagers à fumer dans des lieux fermés, là où les conséquences nocives pour la santé sont beaucoup plus graves. »

Pour cette raison, Me Beaudoin recommande aux organismes de limiter autant que possible l’interdiction de fumer du cannabis à l’intérieur des logements, afin que les locataires puissent fumer sur les balcons et le terrain extérieur de l’immeuble, là où les conséquences pour la santé sont marginales : « Certains pourraient aussi envisager de permettre de fumer le cannabis par vaporisation, ce qui ne laisse pas de résidus toxiques et dont les odeurs sont beaucoup moins incommodantes. »

La marche à suivre :

Voici la marche à suivre pour les OSBL d’habitation qui comptent se prévaloir de la possibilité d’interdire de fumer du cannabis dans les 90 jours suivant l’entrée en vigueur de la loi :

  • L’organisme doit remettre à chacun des locataires un avis de modification au bail décrivant l’interdiction de fumer du cannabis applicable à l’utilisation des lieux. Cet avis doit être remis entre le 17 octobre 2018 et le 15 janvier 2019 inclusivement.
  • Individuellement, les locataires pourront refuser cette modification, mais uniquement pour des raisons médicales. Ceux qui le feront devront en aviser l’organisme dans les 30 jours de la réception de l’avis.
  • Suite à un tel refus, l’organisme pourra s’adresser à la Régie du logement dans les 30 jours de sa réception pour faire statuer sur la modification du bail; à défaut, le refus du locataire prévaudra.
  • En l’absence de refus de la part des locataires, l’interdiction sera automatiquement incluse au bail 30 jours après la remise de l’avis de modification.

Exemple d’avis de modification :

La Régie du logement a mis en ligne un formulaire d’Avis de modification du bail portant sur le droit de fumer du cannabis dont on recommande l’utilisation.

Voici comment l’interdiction de fumer pourrait être décrite dans l’encadré prévu à cet effet (à adapter selon la portée souhaitée de l’interdiction) :
Il est interdit de fumer du cannabis par quelque dispositif que ce soit à l’intérieur des logements et sur les balcons, sauf par vaporisateur ou atomiseur. Le locataire doit voir à ce que toute personne à qui il donne accès à son logement respecte cette interdiction. L’usage de produits fumés du cannabis est toutefois autorisé sur le terrain de l’immeuble.

L’entrée en vigueur de la légalisation du cannabis et la mise en œuvre d’une clause ou d’un règlement interdisant d’en fumer soulèveront sans doute encore bien des questions parmi les gestionnaires et les personnes qui administrent des OSBL d’habitation. N’hésitez pas à consulter votre fédération régionale pour obtenir du soutien.